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Une année décisive pour les paiements européens

En chaque début d’année, après les vœux, l’heure est au bilan et aux perspectives. FRANCE PAYMENTS FORUM doit y contribuer pour l’écosystème des paiements français et européens, avec trois préoccupations : • Construire un réel marché intérieur européen des paiements, défragmenté, sécurisé, compétitif et numérique, au service de ses consommateurs mais aussi de ses entreprises ; • Faire de l’Europe un hub mondial des paiements, et en tous cas, assurer sa souveraineté, qui sera l’un des grands défis de l’année ; • Assurer la promotion des entreprises françaises et européennes de l’écosystème des paiements, qui sont un atout pour l’Europe, et de toutes les femmes et les hommes qui y contribuent.

Et j’ajouterai : assurer la promotion des associations réellement européennes du monde des paiements (et non des “associations” dites « européennes » mais importées, ou phagocytées par des acteurs internationaux), et construire une réelle association européenne, un forum européen des paiements.

Quand on analyse l’année écoulée, on se doit d’être à la fois satisfaits et vigilants, en matière de paiements :

  • Satisfaits car il y a une prise de conscience générale des enjeux stratégiques des paiements et des risques technologiques et financiers, mais aussi sécuritaires et sociétaux qui les accompagnent, comme sur les données. Il y a quelques succès européens et nationaux de résistance aux débordements internationaux et d’avancée vers l’intégration européenne. Et il y a ici et là, une meilleure écoute des aspirations et des difficultés des entreprises de l’écosystème des paiements.
  • Vigilants car l’Europe reste un agglomérat d’Etats insuffisamment orientés vers des objectifs communs et fait face à une triple menace : menace des États non européens et de sociétés internationales qui ne voient en l’Europe qu’un marché à conquérir et font fi de sa souveraineté et parfois de sa réglementation ; menace de l’économie européenne face à la faiblesse financière de ses entreprises et à la fragmentation de son marché intérieur des paiements ; menace de décisions européennes qui vont parfois à l’encontre des intérêts de ses entreprises, sous couvert d’une défense de grandes valeurs démocratiques et des consommateurs.

Face à ces menaces, l’Europe n’a pas suffisamment engagé les actions nécessaires, ni ne s’est donné les moyens de sortir par le haut. Ainsi, l’Europe n’a pas suffisamment montré sa volonté politique de faire face à la fragmentation du marché, à la capture des données ou à l’envahissement des acteurs internationaux, ni affiché une réelle stratégie européenne, une vision à long terme des paiements, malgré la Retail Payments Strategy de 2020, qui était d’abord un plan d’action opérationnel en matière de règlementation de la Commission européenne, ni affecté les moyens financiers nécessaires, pour soutenir l’industrie européenne des paiements.

Parallèlement, le monde a changé, il change et va changer plus vite encore dès 2025.

Le « Global Village » reste une ambition du G20, mais se fragmente en plusieurs villages régionaux : l’Europe doit défendre le sien et son modèle économique, social et culturel. La technologie numérique, et aujourd’hui la tokenisation et les technologies des DLT, et demain l’IA, ont et vont encore bouleverser le monde, notamment celui des paiements. Il faut en prendre la mesure et permettre aux entreprises européennes d’y faire face et de s’y adapter. La bataille est devenue financière et plus seulement réglementaire, face à des monstres oligopolistiques à ambitions mondiales, visant à créer leurs propres « seigneuries » avec leurs propres monnaies, prélevant une dîme technologique considérable sur l’Europe, insuffisamment contrôlés, voire dictant leurs exigences aux États, et qu’il conviendrait, pour certains, de démanteler pour redonner une chance à la compétition et l’espoir aux innovateurs.

Dans ce contexte, malgré sa fragmentation, alimentée parfois par certains États, l’Europe tient encore son marché intérieur des paiements, mais elle ne pourra pas le faire très longtemps sans un sursaut, comme le montre l’exemple de la carte française CB face à l’emprise et aux coûts des schemes carte internationaux (ICS) ; certes l’Europe résiste aux ambitions des Big Techs sans se fermer à leurs apports, comme on l’a vu avec l’ouverture du NFC d’Apple, mais elle ne pourra pas le faire longtemps sans des entreprises de paiements pan-européennes, sans des solutions pan-européennes comme Wero, et sans des infrastructures de paiement pan européennes.

L’Europe ne pourra tenir face à l’explosion technologique sans s’ouvrir aux nouvelles approches comme la tokenisation des actifs et les cryptopaiements, et sans investir lourdement dans les technologies du futur (cloud, IA, Quantique…), comme l’a bien montré le Cigref. L’Europe ne pourra pas résister à la fraude massive sans se doter à la fois d’une organisation pan-européenne de surveillance et de lutte contre la fraude, mais aussi de solutions avancées en termes d’identité numérique, de chiffrement de bout en bout et de signature électronique des transactions, adaptées aux paiements et assurant la confidentialité des données et des transactions.

L’Europe ne pourra développer ses fleurons dans les paiements (bien qu’ils soient nombreux) sans combiner (i) une approche coopérative dominante dans les organisations interbancaires de paiement, (ii) une approche capitalistique, indispensable pour financer les investissements de court et moyen terme et les Fintechs, et (iii) l’approche étatique pour les investissements de long terme.

L’Europe ne pourra se développer sans une coopération Public / Privé, donc sans respect des ambitions légitimes et du champ d’action des acteurs économiques, ce qui nécessite une réflexion de long terme sur le futur des paiements en Europe et la place de chacun : ainsi, l’Europe a besoin d’une monnaie numérique de gros (wholesale) pour assurer le règlement des transactions sur actifs numériques et doit préparer le remplacement à long terme du fiduciaire, mais elle doit laisser au marché l’opportunité de créer les solutions de paiement numérique.

Enfin, l’Europe ne peut multiplier les réglementations, nécessaires mais coûteuses en termes d’investissement, sans veiller à (i) un cadre cohérent, comme entre les réglementations spécifiques aux paiements et les réglementations concernant le numérique, les données, la résilience, la compétition,  (ii) l’équilibre entre contrôle des acteurs et des règles du jeu et enjeux “business” comme pour la concurrence ou les cryptoactifs, et (iii) une planification stratégique et opérationnelle, pour éviter l’embolie des entreprises européennes de l’écosystème des paiements.

Ce sont les raisons pour lesquelles FRANCE PAYMENTS FORUM va militer au cours de l’année 2025 pour une réelle stratégie européenne des paiements et pas seulement un plan de travail réglementaire pour la nouvelle législature. Mais aussi pour rassembler et agir en commun pour construire une réelle association européenne des paiements et mettre en valeur l’expertise française et européenne dans les paiements, au travers des hommes et des femmes, beaucoup de femmes, efficaces et expertes, dans les paiements, mais encore insuffisamment en nombre et encore insuffisamment valorisées, et des entreprises qui en constituent l’écosystème riche des paiements en France et en Europe. Ce sont nos engagements pour cette année.

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